EXIT LE FORFAIT AGRICOLE, PLACE AU MICRO BENEFICES AGRICOLES (Micro BA) : UNE REVOLUTION ?

Benjamin BAUCHER, expert-comptable associé au sein du Cabinet BALLATORE ET CHABERT, spécialiste dans le domaine de l’agriculture et particulièrement dans la viticulture, interviewé par Sylvain HERAULT, responsable marketing, nous éclaire sur les impacts du nouveau régime fiscal dit Micro BA.

EXIT LE FORFAIT AGRICOLE, PLACE AU MICRO BENEFICES AGRICOLES (Micro BA) : UNE REVOLUTION ?
 

SH : « Benjamin BAUCHER, depuis plus d’un an, une mini révolution est intervenue dans le monde agricole suite à l’apparition du régime d’imposition du Micro Bénéfices Agricoles au détriment du régime fiscal dit du « forfait agricole », que pouvez-vous nous en dire ? » :


BB : « En effet, créé en 1949, le régime du bénéfice forfaitaire agricole laisse la place, depuis le 1er janvier 2016, à un régime dit « Micro ». Ce nouveau régime fiscal est à mon sens, beaucoup mieux adapté aux caractéristiques propres de chaque exploitation agricole, devient plus transparent dans sa mise en œuvre, et surtout apparait comme plus aisé et moins onéreux dans sa gestion par l’administration fiscale.

Légalement, l'article 64 du code général des impôts, qui prévoyait les modalités de détermination des bénéfices forfaitaires agricoles, a été abrogé par l'article 33 de la loi, N° 2015-1786 du 29 décembre 2015, de finances rectificative pour 2015.

Cette suppression s'appliquant à compter de l'imposition des revenus de l'année 2016, le régime du bénéfice forfaitaire est applicable jusqu'aux revenus de l'année 2015 (à déclarer à l'impôt sur le revenu en 2016). »


SH : « Concrètement, avant d’entrer dans le détail du nouveau fonctionnement du Micro BA, qui peut en bénéficier ? »


BB : « Les agriculteurs réalisant des recettes en dessous d’une certaine limite, peuvent, de droit, bénéficier du régime du Micro BA.

Je rappelle qu’auparavant, quand la moyenne des recettes agricoles, Toutes Taxes Comprises (TTC), calculée sur les deux dernières années qui précédaient l’année d’imposition, était inférieure à 76 300 euros, l’ancien régime du forfait trouvait à s’appliquer. Nombreux étaient nos clients sur lesquels cette limite était contrôlée systématiquement chaque année. En effet, en cas de dépassement de ce seuil, la bascule dans un régime réel d’imposition (simplifié ou normal) était inévitable.

Aujourd’hui, hors option pour un régime réel d'imposition, ce régime dit « micro-BA » est applicable dès lors que la moyenne des recettes hors taxes d'une exploitation agricole, calculée sur les trois dernières années qui précèdent l'année d'imposition, ne dépasse pas les 82 200 euros.

Il faut souligner que certains exploitants, qui étaient déjà exclus du régime du forfait, même si le montant de leurs recettes était inférieur aux limites légales, restent exclus du régime Micro BA à compter de 2016 (opérations commerciales sur des animaux de boucherie et de charcuterie, sociétés agricoles relevant de l’impôt sur le revenu, hors GAEC, contribuables imposables selon le régime du bénéfice réel pour des bénéfices ne provenant pas de leur exploitation agricole sous certaines exceptions, etc.).

A contrario, la loi « SAPIN 2 » apporte une nouveauté en précisant que les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) dont l’associé unique est une personne physique, dirigeant cette exploitation, pourront bénéficier du régime fiscal du Micro BA.

En bref, on constate que ce régime devient un peu plus favorable que le forfait dans la mesure où, d’une part, les limites sont déterminées en hors taxes et non en toutes taxes comprises et d’autre part, que le seuil a été revalorisé de 5 900€.

Cependant, notre contrôle annuel sur le dépassement du seuil n’est pas remis en cause, bien au contraire ! Notre objectif est d’anticiper, au plus tôt, un passage inexorable à un régime réel d’imposition, afin d’optimiser au mieux la stratégie fiscale, social et juridique pour l’exploitant ».


SH : « Et quel est donc le changement majeur dans le nouveau dispositif du Micro BA par rapport au forfait ? »


BB : « Précédemment, je vous parlais d’une gestion plus aisée pour la Direction Générale des Impôts du nouveau Micro BA. Auparavant, il faut savoir que le forfait était déterminé chaque année par la Commission Départementale des Impôts, avec une moyenne différente par type de culture. On estime qu’il y avait environ plus de 8 000 forfaits distincts par an en France ! Oui, vous lisez bien, plus de 8 000…

Ce forfait, fixé par l’administration, servait alors de base pour l’impôt sur le revenu et pour les cotisations sociales, mais n’était disponible parfois, pour certaines activités, plus de 2 ans après (en avril 2017, certains forfaits agricoles de l’année 2015 ne sont toujours pas fixés !).

La simplification du Micro BA consiste à déterminer le bénéfice imposable en appliquant simplement, un seul et unique taux d’abattement de 87% (censé représenter les charges supportées par l’exploitation agricole), sur les recettes de l’année civile, encaissées par l’exploitation.

Attention cependant, les recettes s'entendent, non seulement, des recettes directement perçues de la vente des produits agricoles, mais auxquelles il faut rajouter les produits provenant des subventions, primes et autres indemnités perçues à titre de supplément de prix ou destinées à compenser un manque à gagner.


SH : « Existe-t-il d’autres modifications substantielles à relever ? »


BBA : « Oui, en effet, pour ceux qui entrent dans le champ du Micro BA, la base d’imposition fiscale va basculer de droit à la moyenne triennale et non plus à l’année. Je m’explique.

Auparavant, le contribuable dit « au forfait » était imposé à l’impôt sur le revenu en fonction de son bénéfice forfaitaire de l’année. Il avait cependant la possibilité d’opter pour une imposition en fonction de la moyenne triennale.

Aujourd’hui, l’imposition du contribuable au Micro BA (et exclusivement au Micro BA, rien n’est changé pour les exploitants au réel qui restent de droit à l’imposition à l’année avec option possible à la moyenne triennale) est de droit à la moyenne triennale.

Une mise en œuvre progressive de la mesure est opérée pour les années 2017 et 2018. Par conséquent, pour la détermination du revenu imposable au titre de l’année 2016 (imposition 2017), il conviendra d’effectuer le calcul suivant :

Forfait de l’année 2014 + Forfait de l’année 2015 + 13% des recettes HT 2016
---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 3

Le raisonnement est le même pour calculer le revenu imposable de l’année 2017 (imposition 2018).

Forfait de l’année 2015 + 13% des recettes HT 2016 + 13% des recettes HT 2017
---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 3
Ce n’est seulement pour la détermination du revenu imposable 2018, pour l’imposition 2019, que la moyenne triennale sera effectuée exclusivement sur 13% des recettes HT de 2016, 2017 et 2018.

Il faut préciser qu’en cas de création ou reprise d'activité, le montant des recettes à prendre en compte sera égal, pour l'année de la création ou de la reprise d'activité, aux recettes de cette année et pour l'année suivante, à la moyenne des recettes de l'année d'imposition et de l'année précédente.

On rappelle que les cotisations sociales sont, de droit, déjà calculées sur une assiette triennale des revenus (avec la possibilité également aux exploitants agricoles d’opter pour un calcul de leurs cotisations sociales sur une assiette annuelle de revenus, en l’espèce les revenus de l’année précédente).


SH : « Elle n’est pas si simple que cela à appliquer cette réforme, non ? »


BBA : « C’est une mini révolution, avec des modifications majeures, mais un exemple illustrerait certainement mieux mes propos !

Projetons nous et prenons le cas d’un viticulteur, qui apporte son raisin en cave coopérative, et qui réaliserait les recettes hors taxes suivantes :
60 000 € (2014) avec un revenu forfaitaire fixé, après majoration de 25% à 7 000€
65 000 € (2015) avec un revenu forfaitaire fixé, après majoration de 25% à 9 000€
91 000 € (2016)
99 000 € (2017)

Le seuil d'application du micro-BA est de 82 200 € au titre de la période considérée, soit en 2017. La moyenne triennale des recettes sur la période allant de 2014 à 2016 étant de :
[(60 000 + 65 000 + 91 000)] / 3 = 216 000 / 3 = 72 000 €, le régime Micro BA s'applique donc bien aux revenus de l'année 2017.

Pour ce qui est du revenu imposable pour l’année 2017, ce dernier se calcule ainsi : [(9 000 + (91 000 x 13%) + (99 000 x 13%)] / 3 = 33 700 / 3 = 11 233 €.

L'abattement de 87 % s'applique à la totalité des recettes, y compris la fraction excédant 82 200 € pour les années 2016 et 2017.

Il n’y a rien de si difficile au final !


SH : « Benjamin, je vous remercie pour vos réponses et les éclairages apportés sur ce Micro BA »


BBA : « Je vous en prie Sylvain, c’est avec plaisir mais il y aurait tellement d’autres choses à rajouter… »


Page prédédente